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Le couvain sacciforme
mardi 10 octobre 2006
par David
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Couvain sacciforme

La série des maladies du couvain prend fin avec une nouvelle forme d'agent pathogène s'attaquant à nos protégées : nous avons étudié des bactéries (Loque américaine et européenne), des champignons (couvain plâtré et couvain pétrifié), nous voilà maintenant en face d'un virus. Le couvain sacciforme a rarement un impact important sur la santé de la ruche, mais il contribue, avec les autres agresseurs de l'abeille, à affaiblir la colonie. Comme il s'agit d'une maladie du couvain operculé, il sera particulièrement important de le différencier de la Loque américaine, maladie beaucoup plus grave.

 

Un virus : le SBV

 

  • Pourquoi " S.B.V. " ?

Parce que la maladie s'appelle en anglais Sac Brood (brood = couvain en anglais), d'où Sacbrood Bee Virus. " SBV ", c'est tout de même plus facile à retenir que son nom latin, Morator aetotulas.

 

  • Qu'est-ce qu'un virus ?

 Les virus sont les formes les plus simples des agents pathogènes de l'abeille. Leur taille est très petite : le SBV, par exemple, est un virus d'aspect sphérique qui mesure 28 nanomètres (1 nanomètre = 1 millionième de millimètre). Ils sont nettement plus petits qu'une cellule d'abeille et invisibles au microscope classique. La structure des virus est réduite au maximum : pour simplifier un virus contient :

  1. des plans de construction : des acides ribonucléiques c'est-à-dire, plus simplement, de l'ADN ou (moins connu) de l'ARN (c'est le cas du SBV).
  2. Un emballage, qui entoure et protège ces plans de construction et qui contient un dispositif permettant la pénétration du virus dans une cellule d'abeille.

 

La multiplication d'un virus dans un organisme se fait en piratant les cellules que le virus infecte :

  • Grâce à son emballage, le virus se fixe sur la paroi de la cellule et " injecte " ses plans de construction dans la cellule.
  • La cellule travaille ensuite, à partir de ses plans pirates, pour le virus : elle en fabrique des copies (ADN ou ARN) et, au lieu de produire ses propres constituants, elle produit les protéines nécessaires à la production de nouvelles enveloppes.
  • Les nouvelles enveloppes s'assemblent autours des copies d'ADN ou ARN viral et de nombreux virus " éclosent " de la cellule, qui ne survit pas.

 

Parce que les organes attaqués par les virus sont différents d'une espèce de virus à l'autre, les symptômes seront différents selon le virus en cause.

 

Quelle est l'action du SBV chez les abeilles ?

 

  • La contamination des jeunes abeilles adultes se fait par voie orale en manipulant les larves tuées par le SBV. Chez les abeilles adultes, le SBV provoque peu de symptômes. Il est suspecté raccourcir la durée de vie de l'ouvrière. Le SBV s'accumule dans les glandes hypopharyngiennes, (qui produisent une partie de la nourriture destinée aux larves : cette nourriture est fortement contaminée en virus).
  • La voie de contamination du couvain est l'alimentation. L'action pathogène principale du SBV sur le couvain est d'empêcher la 5ème mue larvaire (passage du stade prépupe à pupe, appelé encore pupaison), qui a lieu peu après l'operculation, il s'agit donc d'une maladie du couvain operculé. De plus, le SBV s'attaquant aux glandes qui produisent chez les nourrices l'alimentation du couvain, le couvain, moins bien nourri, est fragilisé vis à vis d'autres maladies comme la loque européenne.

 

Varroa destructor semble pouvoir servir de vecteur pour le SBV : il faut moins de particules virales pour infecter une larve en " utilisant " le varroa comme seringue qu'il n'en faut lorsque la contamination se fait par l'alimentation.

Dans une larve terrassée par le SBV, on retrouve de très grosses quantité (1012 !) de virus et la manipulation de ces cadavres par les nettoyeuses assure la contamination au sein de la ruche. Les particules virales sont relativement peu résistantes (4 semaines dans les écailles, le pollen et le miel).

 

Quand frappe le SBV ? : des apparitions épisodiques

 

Le couvain sacciforme a en général un impact sporadique et généralement limité sur les colonies. Les atteintes peuvent avoir lieu durant tout la saison d'élevage du couvain, mais le plus souvent elles ont lieu au printemps et disparaissent avec la première miellée.

Pas d'illusions, le virus est très répandu et présent toute l'année mais ses effets sont plus ou moins visibles :

 

  • Comment expliquer ces " apparitions " ? 

On pense que les abeilles adultes infectées par le virus, qui ne provoque pas de gros troubles chez elles, servent de " réservoir " entre deux épisodes. Les épidémies visibles au sein du couvain sont favorisées par un déséquilibre entre la population de couvain et la population de nourrices et de nettoyeuses :

  1. dans la première partie de la saison d'élevage du couvain, la population de couvain croît plus vite que celle des nourrices/nettoyeuses. Pas assez de nettoyeuses pour évacuer les larves mortes : les symptômes deviennent visibles.
  2.  

  3. Inversement, après la première moitié de la saison d'élevage du couvain, les nourrices/netttoyeuses " refont leur retard ", mettant fin aux épidémies.

   

  • Pourquoi les épidémies s'arrêtent toutes seules ?

Il y a donc, la saison progressant, le retour à des effectifs suffisants de nettoyeuses. Deux autres facteurs limitent la durée des épidémies :

  • les adultes portant le virus ont une durée de vie plus courte.
  • il semble d'autre part que les adultes fortement infestées aient tendance à s'orienter vers la collecte du nectar, ce qui a moins d'impact en terme de contamination que la collecte du pollen (que les abeilles imprègnent des sécrétions des glandes hypopharyngiennes, chargées en particules virales.

Les symptômes du SBV

 

Bon, comme toutes les maladies du couvain, on note à l'examen du couvain de nombreuses alvéoles vides ou des alvéoles voisines contenant des larves d'âges très différent, c'est ce que l'on appelle le couvain mosaîque, symptôme dont la seule signification est une mort anormale du couvain ou un défaut de ponte par la reine. De plus, l'impact du SBV est rarement assez fort pour faire baisser la population la ruche. Sauf atteinte majeure, la ruche ne dégage pas d'odeur putride.

Venons en au fait : nous l'avons dit, le SBV bloque la 5ème mue larvaire. De ce mécanisme d'action, plusieurs " déductions " découlent :

  • Il s'agit d'une maladie du couvain operculé. Le gros problème pour l'apiculteur est alors de différencier le couvain sacciforme de la Loque américaine (car c'est alors une toute autre histoire !) et des formes " operculées " de la Loque européenne. Les alvéoles des larves (des prénymphes en fait) mortes sont plus ou moins foncées et peuvent être plus ou moins ouvertes par les nettoyeuses.
  • La larve meurt au cours de la 5ème mue, à un stade où elle s'est redressée dans l'alvéole : c'est la position dans laquelle on la retrouvera. En retirant délicatement l'opercule des cellules, on retrouvera à l'orifice de l'alvéole la partie orale (que nous appellerons ensuite abusivement la " tête ") de la larve. Cette partie est souvent plus foncée que le reste de la larve. Sur l'image ci-dessous (cliché MAAREC), on note un couvain mosaïque, une opercule percée (2) et deux opercules qui ont été ouvertes par l'apiculteur et qui montrent des larves mortes en position redressée. La " tête " de celle du bas (1) présente un début de coloration foncée. 
  • La mue avortant, la cuticule (la " peau ") de la larve a tendance à s'épaissir et a devenir plus foncée, formant une enveloppe molle et fragile, qui conserve l'aspect annelé de la larve. Le contenu de cette poche est un liquide grisâtre granuleux plus ou moins épais (et très chargé en virus). La couleur de la larve évolue du blanc au jaune crème. Au niveau de la " tête " de la larve, on trouve une zone plus foncée, marron à noirâtre. Sur l'image ci-dessous (cliché MV Smith) la larve extraite de l'alvéole a conservé son aspect annelé et à droite du cliché, on retrouve la zone de la tête, plus sombre.
  • Il est possible, avec délicatesse, d'extraire la larve à l'aide d'une petite pince et c'est alors un petit sac allongé rempli de liquide qui sort de l'alvéole (d'où le nom de la maladie). L'image ci-contre (cliché USDA) l'illustre bien.
  • Le test de l'alumette (voir l'article sur la Loque américaine) est négatif : le contenu de la larve morte n'est pas visqueux.

 

  • En se desséchant et durcissant progressivement (dans la même position redressée), la larve morte devient une écaille ; cette écaille, noire, n'adhère pas aux parois de l'alvéole (contrairement à celle de la Loque américaine) et s'extrait facilement, en un seul morceau généralement. La forme de l'écaille est souvent comparée à celle d'une gondole ou d'une banane, la tête de la larve ayant tendance à se recourber (cliché ci-contre JP Faucon)

 

C'est grave, Docteur ?

 

Non : la plupart du temps les symptômes se cantonnent à quelques zones des cadres de couvain et disparaissent seuls, sans intervention de l'apiculteur. De plus, seules quelques ruches sont atteintes dans le rucher. Dans la mesure où Varroa représente un auxilliaire de choix pour le SBV, il est intéressant, lors de symptômes de couvain sacciforme, d'évaluer le degré d'infestation par varroa dans les ruches atteintes et également dans les autres.

Dans les cas sévères, on pourra changer la reine en cherchant une souche plus vigoureuse et plus " nettoyeuse ". Il est aussi important d'essayer de maintenir ses colonies les plus fortes possibles, gage d'une bonne prévention de nombreuses maladies des abeilles contre lesquelles il n'y a pas de traitement disponible ou satisfaisant : en vrac :

  • Varroa, varroa toujours varroa : son action de sape de la colonie doit être une préoccupation de chaque instant pour l'apiculteur.
  • Réunir ou supprimer les colonies faibles (après une examen soigneux du couvain, bien sûr).
  • Rechercher des endroits où l'environnement est plus favorable à la récolte de pollen et de nectar.
  • Nourrissements si nécessaires lors des périodes critiques.
  • Remplacer les cadres régulièrement, renouveler ses reines ...

 

 

 

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