Remarque préliminaire : cet article n’est pas un mode d’emploi pour se débarrasser de cette maladie. C’est volontairement que je n’ai pas évoqué d’éléments pratiques du traitement : celui-ci, pour être bien mené, doit être encadré par la DDSV qui est là pour vous aider. Soulignons d’ailleurs que la déclaration des cas suspectés de Loque américaine est une obligation légale.
La sporulation
La Loque Américaine est une maladie redoutable car très efficace pour anéantir les colonies et très contagieuse. La prévention (le terme de jargon est "prophylaxie") et le traitement de la Loque américaine doivent prendre en compte un point qui est crucial : le rôle majeur de la spore, véritable "arme secrète" de la Loque américaine.
Paenibacillus larvae, le germe de la Loque américaine a en effet la propriété de produire des spores quand les conditions ne sont plus idéales. On dit que la bactérie (qui a une forme de bâtonnet : on parle d’un « bacille ») "sporule" c’est à dire qu’elle se transforme en spore. Inversement si la spore est en condition favorable, elle germe et donne une bactérie.
Notez qu’au cours de ce processus, une bactérie donne une spore (il n’y a pas de multiplication lors de la sporulation).
Pour les curieux, sur l’image ci-dessous (d’après un cliché de JP Faucon), où un prélèvement est examiné au microscope après avoir été coloré en laboratoire, on voit essentiellement des bacilles en sporulation (bâtonnets violets avec une déformation centrale transparente qui correspond à la spore en formation), quelques rares bacilles n’ayant pas encore sporulé (bâtonnet violet plein sans déformation) et quelques spores (ovoïdes, au centre transparent, seule la paroi est violette).
Ainsi :
Les manipulations et l’évacuation des larves mortes par les nourrices font que les spores sont potentiellement présentes en masse et partout dans la ruche malade.
La spore, agent de dissémination
La spore est légère, résistante : des durées de 30 ans de résistance dans le milieu naturel sont citées.
Une colonie atteinte contient des milliards de spores : tout dans la colonie est contaminé par des spores : les larves, le tégument des abeilles adultes, la cire, les cadres, la caisse, le miel...
La contamination des ruches avoisinantes dans les conditions naturelles se fait :
A cela, il faut rajouter un élément extérieur à la ruche mais qui aide souvent énormément la Loque américaine : l’apiculteur lui même !
Terminons par cette évidence : la ruche peut aussi se réinfecter, plusieurs années après un épisode de Loque diagnostiqué (échec du traitement sur le long terme) ou non (d’où l’intérêt de se pencher soigneusement sur ses ruches mortes).
La spore, agent de résistance
Le contrôle de la Loque Américaine est extrêmement difficile du fait de la résistance de la spore.
La spore est insensible aux antibiotiques.
Pas la peine de la bombarder de tétracyclines : cela n’a aucun effet sur la spore ! C’est ce point qu’il faut bien retenir pour comprendre le traitement de la Loque Américaine.
Après un diagnostic de Loque américaine, l’utilisation des antibiotiques permet de neutraliser la forme active de la maladie (la bactérie) et ainsi arrêter les symptômes, cela revient à masquer les symptômes, "blanchir" la colonie, mais les millions de spores qui tapissent tout dans la ruche sont encore présentes. S’arrêter là, c’est ne rien faire : la rechute est inéluctable.
Le traitement par antibiotiques a été jusqu’à il y a peu interdit en France lors de Loque américaine. Depuis février 2005, son utilisation est rétablie sous des conditions très strictes et contraignantes : la question des résidus d’antibiotiques dans le miel n’ayant pas été légalement définie, tout le miel de la ruche (corps) devra en effet être détruit dans les ruches ayant été traitées par antibiotique avant de reprendre une exploitation normale et poser les hausses.
L’antibiothérapie ne constitue pas, comme nous l’avons expliqué, une panacée pour le traitement des ruches malades. Elle doit être obligatoirement accompagnée d’un transvasement afin de réduire au maximum le nombre de spores.
Le transvasement consiste à ne garder de la ruche malade que les abeilles adultes, qui seront transvasée sur cires saines ou gaufrées. Les cadres seront détruits par le feu, ainsi que la caisse si l’on ne souhaite pas prendre de risque (elle peut être éventuellement désinfectée si son état le permet).
La spore est résistante à un grand nombre de désinfectants
Que ce soit lorsqu’un cas de Loque Américaine est décelé (que l’on souhaite récupérer la caisse et qu’elle est en état d’être récupérée) ou lors des manipulations habituelles de l’apiculteur, pour se débarrasser des spores, il faut nettoyer puis désinfecter.
Action mécanique
Il ne faut surtout pas la négliger ! Le raclage des surfaces doit être énergique pour éliminer le maximum de débris (propolis, cire...). Il faut porter une attention toute particulière aux coins, la crémaillère et les cavaliers d ‘écartement. Le nettoyage soigneux élimine mécaniquement le maximum de spores et favorise l’action des désinfectants. Je conseille personnellement pour l’intérieur des ruches les grattoirs, tels les grattoirs antifouling que l’on peut trouver dans les magasins d’accastillages ou de bricolage : très efficaces !
Désinfection
Comme le nettoyage, la désinfection doit être énergique ! La spore de Paenibacillus larvae résiste à beaucoup de moyens de désinfection.
En conclusion
Les risques de la Loque américaine doivent être pris en compte au quotidien lors des manipulations de l’apiculteur, une désinfection soignée du matériel apicole doit être systématique.
De plus, il faut pas oublier que la Loque américaine étant une maladie à déclaration obligatoire, toute suspicion de Loque américaine doit être déclarée à la Direction Départementale des Services Vétérinaires du département du rucher. La direction des services vétérinaires mandate alors un agent sanitaire pour réaliser un examen de la ruche suspectes et des autres ruches du rucher. Si un diagnostic est posé, une démarche réglementaire est alors mise en place, qui vise à protéger les intérêts de l’apiculteur concerné et des apiculteurs du voisinage.
D.C.